Gestion publique, Droit, Règlements, Insertion et La transmission de la (des) connaissance (s)

Albert HASSAN

Gestion publique

Pour l’ensemble des participants à une assistance à l’autoconstruction, l’autorité publique n’est pas à la hauteur. Plus encore, elle laisse la situation empirer : les populations s’installent donc sur des sites dangereux, soumis à l’inondation ou au glissement de terrain, selon Mike Davis. Le sociologue insiste sur les nombreuses procédures d’expulsion commises par une autorité qui prend peur vis-à-vis de cet inconnu et amène la population à croire en les bienfaits d’un nettoyage urbain violent. Il cite à l’appui de son argument des expulsions célèbres de bidonvilles.

Hassan Fathy, dans son explication des quatre systèmes de constructions disponibles, s’étonne du refus du gouvernement de prendre la mesure de l’inadéquation d’une construction capitaliste. Le projet de New Gourna faillira finalement devant les obstacles financiers, logistiques, posés par des membres d’administrations gouvernementales à l’architecte lors de la construction. C’est ce qu’il explique longuement dans la dernière partie de son livre consacré à l’expérience de ce projet [1]. De même, le Comité municipal d’habitation de São Paulo retarde les versements promis au mutirão de Vila Remo alors que le mouvement possède une très faible marge de manœuvre dans le déroulement du chantier à cause de la forte inflation. Il refuse de rémunérer directement l’équipe technique qui recourt alors à une astuce : elle augmente différents budgets qui comprennent en réalité ce poste. Il exige en outre d’importants terrassements pour des immeubles collectifs censés amortir le prix des infrastructures. Mais la forte érosion due à ces terrassements a rapidement impliqué la remise en état du terrain qui a coûté le prix du premier terrassement. Un gros conflit s’ensuit, l’acteur public justifie son erreur avec l’interdiction par le Maire d’établir des murs de soutènement.

Droit, règlements

L’assistance à l’autoconstruction ne subit pas la même pression légale vis-à-vis de ses prétentions d’autonomie que l’autoconstruction des pays riches. Les pays pauvres n’ont généralement pas un système aussi complet de règlement de la vie quotidienne en société. Les constructions informelles sont en général bâties sans acte de propriété mais sous la protection d’un parrain local. L’économiste péruvien Hernando de Soto propose ainsi de régulariser les droits de propriété, mesure à moindre coût mais peu appliquée.

On observe parfois des règles étranges, comme l’interdiction au Brésil de dépasser la superficie de 70 m2 pour toute maison construite dans le cadre du mutirão. Si on devine l’origine de cette loi, la non- mise en concurrence de l’autoconstruction avec le marché de la construction sans urgence, on ne comprend pas l’intérêt qu’en ressort l’autorité qui l’a élaborée, garante du bien-être de sa population.

Insertion

Les expériences des Castors de Dakar et du mutirão de São Paulo ont certes eu un effet moindre sur la qualité architecturale de la construction au Sénégal et au Brésil, elles ont néanmoins permis l’insertion de populations en marge dans le fonctionnement institutionnel du pays. Une fois leur quartier réalisé et les ressortissants extérieurs partis, les Castors récemment installés ont subi le manque d’équipements publics. Au lieu de quitter leurs maisons comme l’auraient fait les usagers d’un habitat d’urgence inadapté, ils ont eux-mêmes entrepris la construction de l’école, de la mosquée, du stade, du marché, et pour cela ont demandé des subventions à un acteur public, ce qu’ils n’auraient pas su faire avant le projet. L’assistance à l’autoconstruction doit s’accompagner d’un accompagnement à l’insertion lorsque la commande est d’échelle importante. Cette thèse est reprise par Jeanne Bisilliat après son expérience brésilienne :
On a défini le mutirão comme un groupe d’hommes et de femmes qui construisent ensemble leur maison. On pourrait aussi le définir comme un groupe d’hommes et de femmes qui ont commencé à acquérir un début de foi sociale. (…) Or, tout changement social suppose – impose – beaucoup de temps, des générations, temps pendant lequel s’opéreront des ajustements, des adaptations, des transformations. Dans le cas qui nous occupe, le temps est court, beaucoup trop court pour que des gens vivant la vie si difficile des pauvres, avec leurs limitations éducatives et culturelles, puissent échapper à la condamnation d’une certaine stérilité [2].

La transmission de la (des) connaissance(s)

J’ai noté dans l’auto construction formalisée l’intérêt d’un double échange pays du nord – pays du sud pour l’auto construction dans son ensemble. Un pays pauvre nous apprend beaucoup grâce à l’expérience et le maintien d’une pratique qui a disparu chez nous. Participer à une démarche d’assistance à une auto construction requiert une connaissance des méthodes en place dans la région concernée. Anna Heringer a réalisé un service civil au Bangladesh avant d’y retourner dans le cadre de son diplôme à l’université de Linz pour construire la Homemade School. Depuis, elle est devenue professeur et invite systématiquement ses étudiants à prendre part à la construction de ses projets, parmi lesquels les Homemade family houses et Living Tebogo. Tyin a fait de même après la réalisation de leur premier projet en Thaïlande avec l’invitation d’étudiants de leur université de Trondheim (Norvège).

Notes

[1Hassan Fathy, ibid.

[2Jeanne Bisilliat, ibid.