Confiance en l’autre et Insertion, Appropriation de la construction

Albert HASSAN

Confiance en l’autre et Insertion

L’autopromoteur ne fait pas confiance au promoteur standard pour lui assurer la réalisation d’un habitat qui lui convienne. En refusant de prendre part au régime traditionnel promoteur-architecte- constructeur, il choisit délibérément l’exclusion. C’est à ce moment qu’il entre dans la communauté des autopromoteurs, à laquelle il est a priori très peu lié. Pire encore, on l’a vu dans le cas de Tübingen, les futurs habitants ont été recrutés par la collectivité. Et pourtant, ils s’engagent ensuite à consacrer du temps à la conception de leur habitat.

La première étape du jeune groupe est alors de se donner un document commun résumant leurs aspirations et permettant de souder le groupe autour d’un objectif global : une charte, éventuellement modifiée par la suite. A la maison du Val, Alain His a participé à la rédaction de celle-ci :
On a rédigé cet acte social, auquel on se réfère en permanence [plus de 30 ans après]. Il y a des trucs tout à fait utopiques, et d’autres qui subsistent encore. Dans le genre utopique, il y avait écrit qu’en cas de cession d’un bien, celui qui le faisait ne pouvait le faire qu’au prix d’achat actualisé, au prix de la construction. Complètement délirant ! Les gens qui partent, il faut qu’ils se relogent. Et compte tenu de l’évolution du prix de l’immobilier, ils ne pourraient pas racheter. Mais le fait qu’on coopte les gens qui viennent, ça pour nous c’est très important. Le fait d’accueillir des gens de l’extérieur pour leur permettre d’avoir une activité, c’est très important. Le fait qu’il y ait des tas d’activités qui se font dans les locaux collectifs, ça nous fait plaisir. Evidemment.

Dans les années 70, il semble que l’époque favorisait l’affirmation individuelle. De nos jours où les revendications sont moins présentes que dans la génération de mai 1968, les autopromoteurs se retrouvent dans la volonté d’une vie moins individuelle et surtout d’un habitat écologique. C’est alors souvent dans l’intervention d’une association spécialisée, à Strasbourg dans celle d’un architecte du quartier Vauban de Fribourg, à Tübingen d’un architecte-catalyseur des idées de chacun et de leur communication, que devient concrète la réalisation de l’habitat rêvé.

Appropriation de la construction

Puisque l’habitant est intégré dans le processus de construction dès la conception de son futur logement, puisqu’il en est le maître dès le moment où il a formé sa structure juridique ou trouvé son terrain, l’appropriation de la construction devient une évidence.

On voit cependant presque systématiquement dans les projets d’habitat groupé des années 1970 que les habitants-concepteurs se laissent une latitude d’autoconstruction ou plus exactement d’autofinition dans un domaine qui nécessite plus de main-d’œuvre que d’outillage et de compétence technique. La disposition intérieure est laissée à l’agrément de chacun, le choix des éléments d’ambiance et de confort (appareils sanitaires, revêtements de sols et des murs) dont le coût peut varier dans de grandes proportions, est laissé à la charge des familles.

En revanche, l’appropriation de la construction communautaire fait peur aux habitants préalables du lieu. Serait-ce une secte, que viennent faire ces originaux dans notre quartier ? sont-ils en droit de se demander. Les autopromoteurs répondent à cette inquiétude de deux manières :

  • La première est le traitement des façades donnant sur l’extérieur, à la maison du Val radicalement différentes de celles qui donnent sur la cour intérieure. Elle prend pour un passant l’allure d’un pavillon de banlieue, comme me l’a expliqué Alain His au cours de notre entretien. Si à l’intérieur l’architecture autogéré est innovante, à l’extérieur elle reste discrète et s’accorde au mieux avec son environnement : le hameau ni trop moderne ni trop rustique en milieu rural ; le petit immeuble urbain en béton réchauffé de menuiseries en bois, tournant ses terrasses du côté arbre [1].
  • La seconde est la réalisation d’espaces communs louables par tout un chacun : salle de musique et salle polyvalente dans le cas de la maison du Val. Les prix pratiqués sont loin d’être prohibitifs et montrent la volonté du collectif de faire partie de son nouveau lieu de vie (5€ l’heure lorsque le chauffage reste éteint). Et deux studios qui n’ont pas hébergé que des amis, mais aussi des artistes, une femme battue ou encore un sans-papiers.

De nos jours, la bonne conscience écologique des autopromoteurs, garantis par les défenseurs du développement durable d’assurer l’avenir de notre planète, ne se soucient plus autant du voisinage que par le passé, mais affichent au contraire par l’intermédiaire de toitures végétalisées, bardages bois ou panneaux solaires leur bonne action, sans nécessairement déparer le quartier par l’ajout d’une construction mal intégrée.

Notes

[1Pierre Lefèvre, ibid.