Sans attendre, et parce que les situations locales sont parfois dramatiques, des personnes modestes mal logées se regroupent un peu partout en France. Elles n’ont d’autres possibilités pour trouver un logement salubre que d’en assurer elles-mêmes la construction. Surnommés les Castors, ces coopérateurs pallient la faiblesse de leur revenu par une implication personnelle dans les travaux de construction et par une organisation commune du travail. Le mouvement est d’abord lancé à Bordeaux autour d’un prêtre ouvrier, Etienne Damoran. Avec Daniel Bancon et Pierre Merle, deux syndicalistes CFTC (Confédération Française des Travailleurs Chrétiens), il crée le 21 novembre 1948 la coopérative d’HBM “le Comité ouvrier du logement” (COL) qui regroupe principalement des ouvriers des Chantiers de la Gironde. Les responsables ont fait le choix de la coopération HBM car il leur permettait d’accéder à des financements privilégiés tout en adoptant une forme d’organisation proche de leurs convictions religieuses et politiques. La formule de l’apport-travail initiée par le mouvement cottagiste dans l’entre deux-guerres constitue pour eux une référence, mais un voyage à Saint-Etienne suffit à les convaincre que le succès de leur entreprise dépend de la motivation des coopérateurs et de la rapidité du chantier.
La coopérative acquiert un terrain de 12 hectares à Pessac et lance un programme de 150 logements en location, seul financement compatible avec les ressources des coopérateurs. Un centre commercial occupé par une coopérative de consommation est aussi prévu. Deux règles sont adoptées pour assurer la réussite du projet : les coopérateurs sont tenus, par le règlement intérieur de la coopérative, d’être présents sur le chantier au moins 24 heures par mois ; les maisons ne seront attribuées qu’à la fin du chantier. Un premier prêt de 2 millions de francs de la Caisse d’allocations familiales (CAF) lance une aventure qui va servir d’exemple dans toute la France. Les 2/3 des destructions immobilières se trouvaient concentrés dans quatre régions : [L’origine de l’appellation Castor pour désigner le mouvement collectif d’autoconstructeurs dans la années 50
n’est pas encore réellement identifiée. Le castor est à la base, un rongeur réputé pour construire des digues et sa propre hutte à partir de branches et de terre. Il est également un animal doté d’une grande sociabilité.] la Normandie, le Nord, la Bretagne, l’Alsace Loraine. Il n’est donc pas étonnant qu’il existe une forte concentration d’habitats Castors dans le Quart Nord Ouest de la France. A Saint- Nazaire, 85% des maisons sont détruites : il restait 150 habitants après la guerre alors qu’il y en
avait 38.000 avant.
En Ile-de-France également, la formule Castor séduit une grande frange de la classe populaire. La grande majorité des opérations Castors adopte le concept de quartier pavillonnaire avec de temps en temps, un petit immeuble collectif (Villeneuve-le-Roi). A Fresnes, deux immeubles de 750 logements sont construits entre 1954 et 1957, par les Castors de La Peupleraie et l’autre par un autre groupe local des Castors.