Le terrain où a été construite la cité castors de Villeneuve était beaucoup moins pentu que celui d’Ablon. « Le travail était tellement dur que certains en tombaient malades » (dixit M. Vilandrau). Il a déjà était évoqué plus haut que les difficultés sur le chantier ainsi que les problèmes d’intégration dans le quartier ont fortement rapproché les familles Castors d’Ablon. C’est dans l’adversité que la solidarité s’est créée. Ceux de Villeneuve, bien qu’ayant comme tout le monde des obstacles et difficultés à surmonter, ont eut plus de facilités : un terrain quasiment plat, une cellule d’habitation reproduite à l’identique, soutien du Ministère des P.T.T. et du Maire de la Ville sans compter l’effectif plus important du groupe.
En effet, contrairement au groupe d’Ablon-sur-Seine, celui de Villeneuve-le-Roi avait un effectif plus important (18 contre 90 membres). Les premiers ont dû engager des architectes ainsi que des professionnels sur le chantier, car ils avaient moins d’expérience que ceux de Villeneuve-le-Roi qui ont eux même dessiné et construit leur projet. On sent que ces derniers étaient beaucoup plus organisés en une entreprise qu’en un simple groupe associatif. Travaillant tous aux P.T.T., ils ont acquis l’expérience de travailler ensemble. Les relations entre les membres de ce groupe Castor restaient parfois plus des relations entre « collègues » que des relations entre « frères » sur le chantier. Plus haut a été évoqué le fait que certains membres étaient beaucoup moins motivés lorsqu’il s’agissait de travailler en groupe, alors qu’individuellement « ils se lâchaient ». Dans tout groupe ou toute entreprise de grande ampleur, il est toujours difficile de maîtriser une totale solidarité entre collègues. Le plus souvent, le grand groupe se sépare en plusieurs petites entités. Ce qui, d’une certaine façon divise, mais en même temps réunit et crée des micro groupes solidaires. Le fossé entre ces groupes s’est creusé au fil du temps, ce qui peut expliquer le renfermement de certaines familles aujourd’hui. Peut-être était-ce les prémices de l’individualisme moderne ? Il est difficile d’imaginer qu’au début, le quartier organisait des bals avec des feux d’artifices, des rallyes et même des élections de « miss Castors » ! Le couple Dufour qui m’a fait visiter leur pavillon à Villeneuve m’a bien accueilli parce que j’ai été présenté par M. Vilandrau (groupe d’Ablon). Mais telle était ma déception lorsqu’ils ont catégoriquement refusé de me présenter à d’autres voisins, bien qu’ayant toujours été correct et poli : « honnêtement, c’est uniquement parce que vous connaissez M. Vilandrau que je vous fais confiance », (je lui remercie d’ailleurs pour sa confiance, car sans lui je n’aurai pas toutes ces informations sur le groupe de
Villeneuve-le-Roi). Quoi qu’il en soit, l’atmosphère était différente dans le quartier d’Ablon. Malgré quelques réticences, l’ensemble des habitants a été agréablement accueillant, et l’effet
« boule de neige » pour rencontrer de nouvelles familles était plus facile. Cela peut s’expliquer par le fait qu’il existe une plus grande confiance entre les différents foyers Castors d’Ablon. Même après la fin des travaux collectifs, la communauté restait solidaire et s’entraidait.
Là où les avis se rejoignent entre les deux groupes Castors c’est lorsqu’on leur demande s’ils avaient le sentiment d’avoir créé une forme de « société idéale ». Pour les pionniers du mouvement, le projet est partie de l’idée utopiste de constituer une « cité idéale », mais si c’était à refaire, ils ne se lanceraient plus. L’autoconstruction collective dans le contexte des années 50, était plus un palliatif qu’une solution aux problèmes de logement. « Il est inconcevable qu’aujourd’hui, on soit obligé de construire soit même sa maison, en sacrifiant son temps libre normalement consacré aux loisirs et à la famille ». Ces dernières années pourtant, grâce aux moyens modernes, on voit se multiplier des courageux qui ont fait le choix d’allier autoconstruction, loisir et famille.