Du budget d’état au budget du citoyen
La politique du logement d’après-guerre en s’appuyant sur la sectorisation, les courants hygiénistes et les méthodes du taylorisme, normalise et régle dans l’urgence, la reconstruction du pays. Rassurés par cette manière de fabriquer la ville, des programmes immobiliers d’une ampleur inégalée, érigent des quartiers entiers. A partir de chemins de grues, chaînes de production sur site, la recherche architecturale apparentée à de l’ingénierie s’efforce alors, de conceptualiser des cadres de vie. En marge de leurs aïeux, ces nouveaux espaces devront faire face à tout ce qui fonde la cité, la mémoire du lieu. Aujourd’hui on essaie d’oublier.
L’exode des citadins pour vivre à la campagne qui s’ensuit à partir des années 1970 sous l’effigie du nain de jardin, est une revendication à une parcelle de souveraineté. Ce désir ne sera possible que par la profusion de l’automobile et de l’énergie. Il contribuera avant tout et
en partie, à consolider la monnaie américaine. A la fin des années 60, les Etats Unis étant incapables d’honorer leurs promesses envers les états européens, Nixon, en 1971 met fin à la convertibilité du dollar en or. Dans la même période, les accords avec l’OPEP qui fixe le
prix du pétrole en dollars pour toutes les transactions mondiales, seront l’un des piliers de l’hégémonie du dollar.
Les outils d’ingénierie réformés du capitalisme financier vont donc permettre de multiplier les offres de crédits. Alors que la reconstruction d’après guerre ne pouvait se faire qu’a partir d’un budget d’état, les extensions péri-urbaines issues d’aspirations individuelles pourront se
faire sur un budget du citoyen. De cette manne financière, gravitent les marchands orchestres d’un monopole dont plus personne ne pourra s’échapper. Résultat, aujourd’hui la
parcelle de souveraineté coûte jusqu’à 30 ans de travaux forcés, contribue à une dette publique sans précèdent et les nains ont déserté les jardins.
Où sont passés les nains ?
Par le transfert de compétences à faire de l’habitat un produit, ils ont perdu leur révolution à vouloir habiter autrement et toute légitimité à vouloir réclamer quoi que ce soit. En drainant toute l’économie du secteur, le capital financier sort donc vainqueur et s’auto-proclame
souverain des lieux jusqu’à ce que les reconnaissances de dettes de chacun leur soient honorées.
Si le montage financier peut se justifier au travers de vastes programmes immobiliers de l’industrie et du commerce, il devrait en être autrement pour la micro-construction du logement, dès lors que le crédit va écrire ses conditions. L’erreur fondamentale est d’avoir attribué notre confiance, et ce de façon collective, sur la facilité induite qu’avait le crédit bancaire à nous permettre l’accès au logement. Sous cette emprise, le monopole financier en s’appuyant sur la dépendance des gens va s’imposer sans autre alternative. Or le crédit n’a jamais été un droit et ne sera jamais voué à parrainer et à garantir le logement pour tous. Depuis que le capitalisme s’est débarrassé de ses chaînes marxistes, il est le seul maître à bord. Pourtant 70% de la population mondiale vit dans la pauvreté.
Les plus aptes à accéder au logement en répondant favorablement au système risquent d’être amenés à considérer le travail non plus comme cohésion sociale mais comme nécessité absolue, face à laquelle on ne sourcille pas avec la dette ! Comme pour une
montre suisse, ils sont le ressort par lequel toute l’inertie transite. En clair, pompez dur en fond de cale sans quoi ça coule ! Il n’est donc pas étonnant d’enregistrer des tensions entre classes sociales « fainéants et bosseurs », mais paradoxal puisque c’est les conséquences
d’un système que nous avons choisi. En tout état de cause le résultat en fin de cycle est cinglant. Le logement a subi une telle inflation que les prix sont devenus insupportables, faisant glisser le besoin primaire du logement vers le privilège.
En fait, les nains sont en train de creuser un trou toujours plus grand. Maintenant vous savez pourquoi les nains sont aussi des mineurs.. .
Où est l’échelle ?
Fort de constater que depuis 50 ans toute initiative citoyenne pour habiter est sapée et que le droit de prétendre à un logement est caduc, il devient nécessaire pour chacun qu’il puisse retrouver un degré d’autosuffisance dans ce domaine. Pour cela, il faut rompre le transfert des compétences et s’approprier la construction. Hier on l’appelait architecture vernaculaire, aujourd’hui avec l’industrialisation des produits, on l’appelle autoconstruction.
Approche sensible.
Il est plus probable de pouvoir habiter entre les murs que d’habiter dans les murs. J’entends par là que quelque soit la forme, c’est l’espace qui prime et que les conditions nécessaires pour habiter sont déjà dictées par la nature. La maison est seulement le moyen par lequel nous pouvons domestiquer notre espace en rapport à notre condition physique, c’est en soi un repli du monde.
Approche technique.
Pour construire les murs et le toit, la difficulté réside dans l’emploi des
matériaux qui requiert un savoir faire certain. Il est difficile de monter un mur en parpaing sans être maçon et il est difficile d’assembler des pièces de bois sans être charpentier. Les leviers à l’alternative se trouvent donc ici pour permettre pleinement l’accès à l’autoconstruction.
Solution.
Nous nous sommes donc penchés sur la question et nous avons développé un concept dont la technicité du produit doit détenir la compétence. Par le simple fait de serrer un organe de liaison en aluminium, nous pouvons atteindre une précision du 10° de
millimètre et une mise à niveau et d’équerre automatique. Cet organe a été couplé à des éléments de bois afin de définir une structure hybride bois et aluminium qui se compose de poteaux et de traverses. Ainsi, il est à la portée de chacun, d’assembler simplement une
trame structurelle à partir d’une clef de serrage. En complément de ce système, nous avons mené une étude architecturale pour définir l’ensemble des produits nécessaires à une construction globale, le logement.
Notre objectif économique est d’atteindre pour un logement HQE et BBC un coût au m² de 700€/HT, études, équipe de monteur, dallage et fluides compris. Notre étude de faisabilité économique en accord avec les filières industrielles se situe actuellement à 800€/HT. Ce prix
correspond à une procédure classique de construction.
Maintenant il s’agit de savoir quel degré d’autoconstruction peut être atteint en fonction des capacités morales et physiques de l’autoconstructeur. Plus le degré est fort, plus le prix sera
faible. Cette position est fondamentalement aussi importante que la technique !
L’architecture parce qu’elle est complexe et parce qu’elle est grande ne peut être envisagée sans quelque complication. Dans tous les cas une échelle est obligatoire.. .