BILAN ENERGETIQUE D’UN LOGEMENT
ISOLER POUR CONSERVER LA CHALEUR
Un logement consomme beaucoup d’énergie à cause d’une isolation imparfaite et de l’activité humaine (eau chaude, éclairage, équipements…). La réglementation thermique RT2005, fixe des objectifs de maximum de consommation d’énergie pour un logement.
Pour atteindre cette performance, l’essentiel de l’effort s’est porté sur l’isolation des toits, des murs, des sols, ou encore sur des VMC double flux pour garder la chaleur tout en renouvelant l’air…
LE POSTE NEGLIGE : LA CONSOMMATION D’EAU CHAUDE
Il existe une fuite importante d’énergie encore peu prise en compte : l’eau chaude.
“En une douche, vous jetez aux égouts autant d’énergie que ce que ce que vous perdez en ouvrant une grande fenêtre en plein hiver pendant 1 h.”
Pourtant, préparer de l’eau chaude demande beaucoup d’énergie : chauffer les 60 l d’eau à 40 °C nécessaires à une douche demande autant d’énergie que pour chauffer 720 m3 d’air de 10 °C à 20 °C.
Autrement dit, vous jetez aux égouts autant d’énergie que si vous ouvriez une grande fenêtre (1 m²) en hiver pendant 1 heure à chaque fois que vous prenez une douche [1]. Voici une estimation du budget eau chaude pour la douche [2] :
- chauffe-eau électrique :
- 3 personnes = 234 €/an
- 4 personnes = 312 €/an
- 5 personnes = 390 €/an
- chauffe-eau gaz de ville :
- 3 personnes = 177 €/an
- 4 personnes = 235 €/an
- 5 personnes = 294 €/an
- chauffe-eau fioul :
- 3 personnes = 259 €/an
- 4 personnes = 345 €/an
- 5 personnes = 431 €/an
COMMENT RECUPERER CETTE ENERGIE ?
Exactement comme on garde la chaleur tout en évacuant l’air vicié à l’aide d’une VMC double flux, il est possible de conserver l’énergie thermique de l’eau chaude que l’on doit évacuer. Pour cela un système d’échange thermique est placé sur le circuit d’évacuation des eaux grises chaudes (douche, lavabo) : lorsque de l’eau chaude est consommée puis évacuée, le système d’échangeurs thermiques en capte la chaleur et la transfère au circuit d’eau froide. L’échange se fait sans mélange des fluides, seule la chaleur est récupérée : il n’y a pas d’économie d’eau à la clef, mais des économies d’énergie quel que soit le chauffe-eau (gaz, électrique, fioul...).
Défi technique par rapport à une VMC double-flux
C’est dans la douche que le plus d’eau chaude est évacuée, il est donc plus rentable de placer le système d’échangeurs thermiques au plus près de celle-ci. Il y a cependant une difficulté particulière : on ne peut récupérer l’énergie des eaux usées que lors des brefs instants où elle est évacuée. Ainsi lors d’une douche le système récupère jusqu’à 17 kW... à comparer aux 0.75 kW que récupère une VMC double flux (tout au long la journée). Il faut donc un échangeur très performant.
Les solutions techniques
Premiers brevets
En 1980, l’augmentation continue du coût de l’énergie pousse des groupes d’inventeurs à se pencher sur la question et le premier brevet est déposé aux États-Unis (voir images). Il repose sur un système de "toboggan" sur lequel ruisselle l’eau de la douche lorsqu’elle est évacuée, le tuyau d’eau froide à préchauffer serpentant sur ce toboggan. Comme beaucoup des échangeurs développés par la suite, ce système présente une faible efficacité et s’encrasse vite (l’eau ruisselle très doucement sur le tuyau à préchauffer, ce qui forme petit à petit un dépôt gras isolant).
D’autres brevets ont été déposés par la suite, par exemple :
- des tubes concentriques (brevet n°4398308), un peu dans l’esprit du travail de Siphon échangeur (voir les récupérateurs amateurs, plus bas)
- un système où l’eau de douche est déversée en cascade sur des tuyaux en cuivre contenant l’eau froide (brevet n° 4542546)
- ou un système dans lequel des tuyaux de cuivre contenant l’eau froide sanitaire entourent l’évacuation verticale (brevet n° 6722421).
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Récupérateurs de chaleur amateurs
2007 : Siphon échangeur
2007 - Siphon échangeur. Récupérateur de chaleur simple : le tuyau d’eau froide à préchauffer circule à l’intérieur d’un tuyau en cuivre dans lequel s’écoule l’eau de la douche (encore chaude). A droite : encrassement du tuyau d’eau de douche.
© JF Printanier
En 2007, l’auteur du site http://siphon.echangeur.free.fr/ a publié un compte rendu de plusieurs de ses montages : il s’agit de tubes concentriques, soit en PVC (eaux évacuées) et cuivre (eau froide à préchauffer), soit tout cuivre. Le tube d’eau froide passe au milieu de celui d’évacuation (voir photo). Le plus efficace de ses montages (2 tubes de longueur 1,3 m) offre une surface d’échange d’environ 1600 cm² et une puissance échangée de 1,5 kW, mais le débit n’excède pas 6 L/min. Une version à 4 longueurs de tube a également été réalisée, mais l’eau évacuée était trop freinée par le système d’échangeurs : le débit maximal était de 3 L/min seulement (contre environ 9L/min pour une douche moyenne).
Par ailleurs, l’auteur a étudié le fonctionnement de son montage sur 4 ans : il note un encrassement qui divise par 2 le débit (mais pas le gain en température), soit une perte de puissance de 50%. Cet encrassement prend la forme d’un film grisâtre sur les parois du tube cuivre évacuant l’eau de la douche (voir photo), lequel peut être nettoyé à l’aide d’un grattoir ou en injectant de l’eau sous pression dans le tube, pour retrouver les performances originelles.
2008 : Bricolsec
2008 - Bricolsec. Récupérateur de chaleur simple : le tuyau d’eau froide à préchauffer est soudé le long d’un tuyau en cuivre dans lequel s’écoule l’eau de la douche (encore chaude).
© http://bricolsec.canalblog.com (gauche), H. Durou (droite)
En 2008, bricolsec ( http://bricolsec.canalblog.com, article 19) a publié un article sur sa réalisation. L’installation ayant 38 ans, il a d’abord utilisé son tuyau de cuivre existant de Ø 40 et lui a adjoint par soudure tendre un deuxième tuyau de cuivre de Ø 40 de 1,65 m de long (qui véhicule l’eau froide). Sur les bords de ce tuyau, il a soudé le tuyau d’eau froide (en cuivre également). A partir d’une eau à 10 °C environ, il parvient à la préchauffer de 2 °C. Il note cependant une inertie d’une centaine de seconde.
Les solutions commerciales
écoRC (EHTech, France)
La société Toulousaine EHTech, créée en 2009, a lancé en 2011 l’écoRC. Cette solution est construite autour d’un échangeur à plaques en acier inox 316. Le dispositif est protégé de l’encrassement par un maintien en régime turbulent du flux d’eau évacuée. Une connexion supplémentaire au réseau d’eau froide permet de mettre sous pression le circuit d’eaux usées pour le nettoyer sans recourir à des produits chimiques agressifs, même si leur emploi reste possible.
L’économie d’énergie atteint 54 % (simple échangeur) à 73 % (douche échangeur). Le boitier est compact, et est conçu pour être déporté (donc pas nécessairement sous la douche), par exemple dans un faux-plafond (si la douche est à l’étage), ou dans un vide sanitaire (si la douche est au rez-de-chaussée).
- dimensions : 14,5 × 37 × 32 cm3 (17 L)
- protections passives encrassement : écoulement turbulent, filtre bonde
- protections actives encrassement : purge sous pression, compatible déboucheurs chimiques soude
- durée de vie/fiabilité : pas de pompe, pas de moteur, pas d’électronique. échangeur inox 316/cuivre.
- en cas de colmatage définitif : court-circuit depuis la bonde, échange standard.
- où l’installer : vide sanitaire, sous-sol/étage inférieur.
- économie d’énergie : 54 à 73 %.
PowerPipe (Solénove, Canada)
Pionnier dans la récupération de chaleur sur les eaux de douche, le système PowerPipe est simple : le tuyau d’eau froide à préchauffer est enroulé autour du tuyau de cuivre dans lequel l’eau de la douche (chaude) s’écoule. Apparu en 2006 au Canada, il est commercialisé en France depuis peu par la société Solénove.
- dimensions : hauteur mini 61 cm, hauteur maxi 305 cm.
- protections passives encrassement : -
- protections actives encrassement : compatible déboucheurs chimiques soude
- durée de vie/fiabilité : pas de pompe, pas de moteur, pas d’électronique. échangeur cuivre.
- en cas de colmatage définitif : échange standard.
- où l’installer : sous-sol/étage inférieur.
- économie d’énergie : 20 à 65 %, selon hauteur.
Thermocycle (Forstner, Autriche)
Le thermocycle est un système plus complexe, qui récupère toutes les eaux chaudes dans une cuve depuis laquelle il extrait la chaleur.
Le dispositif est relativement encombrant, entre autres parce que ce dispositif remplit d’autres fonctions (production d’eau chaude, interface avec chauffe-eau solaire thermique…). La lutte contre l’encrassement se fait par un filtre auto-nettoyant, mais cela requiert l’emploi d’une pompe (intégrée), source éventuelle de pannes et de nuisances sonores. L’encombrement du dispositif et sa conception imposent de l’installer dans une pièce à part ou un placard.
- dimensions : Ø 35 cm × 106 cm (102 L).
- protections passives encrassement : filtre autonettoyant
- protections actives encrassement : -
- durée de vie/fiabilité : Pompe (risque de défaillance)
- en cas de colmatage définitif : échange standard.
- où l’installer : sous-sol/étage inférieur.
- économie d’énergie : < 40 %.
Conclusion
Les récupérateurs de chaleur pour douche sont des systèmes maintenant suffisamment efficaces pour permettre une économie significative (> 200 €/an).
S’il est possible de vous essayer à la confection artisanale de votre propre récupérateur, les solutions commerciales sont abordables (entre 800 et 4000 €) et particulièrement compétitives par rapport à d’autres solutions d’économie d’énergie (solaire, isolation...).